15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 10:36

 

Au début des années 90, les grands mythes du fantastique avaient la cote à Hollywood. Avec le succès de Dracula de Francis Ford Coppola, les studios avaient décidé de réactualiser tous les classiques du cinéma fantastique. Principalement, ceux des productions Universal des années 30 ainsi que leurs nouvelles versions en couleurs produites par Hammer Films dans les années 50 et 60.

 

maryreilly

Contrairement aux précédentes adaptations, le roman de Valérie Martin "Mary Reilly" apportait un éclairage totalement neuf sur le fameux mythe du Dr. Jekyll et Mr. Hyde. L'histoire du docteur qui se transforme tous les soirs en monstre criminel à la suite d'une expérience malheureuse est connue de tous. Valérie Martin a eu l'idée de raconter une nouvelle fois cette célèbre histoire, mais d'un point de vue extérieur à celui du docteur Jekyll, à savoir celui de la servante, Mary Reilly. C'est par ses yeux que l'on découvre et comprend le drame dont est victime le médecin. Traumatisée par une enfance violente, Mary trouve dans cet emploi de servante une situation qui lui convient parfaitement. Amoureuse du Docteur, elle rencontrera bientôt son mystérieux assistant, Monsieur Hyde, un homme étrange, violent, dépourvu de toute morale, qui la séduira vite par son aura maléfique. Ce n'est que bien trop tard qu'elle réalisera que Hyde n'est autre que Jekyll et que deux personnalités antagonistes cohabitent dans un même corps...

 

Acheté par TriStar, le roman devait au départ être adapté au cinéma par Tim Burton qui voulait Winona Ryder dans le rôle de Mary Reilly. Le studio refusa ce choix et l'auteur de Beetlejuice s'en alla chez Disney pour réaliser Ed Wood.

TriStar proposa alors le film à Roman Polanski, mais le projet capota quand le cinéaste voulut imposer lui aussi une actrice pour le rôle-titre. Il s'agissait de son épouse Emmanuelle Seigner. Or, le studio avait depuis longtemps choisi l'interprête de Mary Reilly. Ce serait Julia Roberts, la star féminine la plus populaire du moment. Avec ce rôle à contre-emploi, c'était l'Oscar assuré pour l'actrice et autant de prestige gagné pour le studio, en quête de reconnaissance.

 

mary-reilly-31096

Stephen Frears possédait la sensibilité européenne recherchée par le studio. Il recruta pour Mary Reilly une grande partie de l'équipe qui avait fait le succès des Liaisons Dangereuses: Christopher Hampton au scénario, John Malkovich dans le double rôle de Jekyll et de Hyde, Glenn Close dans un rôle secondaire, George Fenton à la musique, Stuart Craig aux décors et Philippe Rousselot à la caméra.

 

Mais le tournage et surtout, la post-production, ne furent pas de tout repos. Tourné pendant l'été 1994, le film fut d'abord annoncé pour Noël de cette même année. Des problèmes de montage repoussèrent la sortie jusqu'au festival de Cannes 1995. Là encore, le film fut déprogrammé. De remontage en plans refilmés, les mois s'écoulèrent et Frears commença à perdre patience. TriStar n'était pas satisfait des différents montages proposés par le cinéaste. Frears laissa donc le studio se débrouiller seul avec le montage et s'en alla écrire et tourner un autre film: The Van

 

Projeté à un public-test, le montage de Mary Reilly supervisé par le studio s'avéra bien plus catastrophique que celui proposé par Frears. La presse en profita pour annoncer que le film ne sortirait jamais. Et comme si cela ne suffisait pas, la productrice Nancy Graham Tanen, renvoyée du film par le président du studio, attaqua TriStar en justice.

 

Assassiné par la presse avant même sa sortie, Mary Reilly fut distribué dans les salles américaines en février 1996, après un an et demi de post-production. Cette cabale médiatique condamna le film à une courte carrière dans les salles et annihila tout espoir d'Oscar pour l'équipe.  

 

Le film est cependant loin d'être mauvais mais avec le temps, cette œuvre aux qualités certaines risque de sombrer peu à peu dans l'oubli.

 

mary r10

Partager cet article
Repost0
Published by Winslow - dans Making of
7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 13:18

 

200px-Thorpe - Nothing lasts forever

En 1987, la 20th Century Fox dominait le marché du film d'action de qualité avec des œuvres comme Aliens de James Cameron ou Predator de John McTiernan. Le filon s'avérant juteux, le studio chercha à poursuivre dans cette voie. Il trouva dans ses tiroirs un livre publié en 1979 et dont l'histoire semblait tout à fait prometteuse. Intitulé "Nothing Lasts Forever", le roman de Roderick Thorp racontait comment un homme seul était pourchassé dans un gratte-ciel désert par une bande armée. Bien que l'auteur avait mis l'accent sur la descente aux enfers psychologique du héros, le roman fourmillait de scènes d'action choc, comme ce saut du personnage principal depuis le toit de la tour, accroché à une lance d'incendie...

 

Thorp avait eu l'idée de ce roman à la suite d'un rêve qu'il avait fait, peu de temps après avoir vu La Tour Infernale en 1974. Impressionné par le côté spectaculaire du film, il avait surtout été frappé par les immenses possibilités dramatiques qu'un gratte-ciel proposait. Avec ses cages d'ascenseur vertigineuses, ses conduites d'aération et son espace clos, une tour pouvait devenir le site idéal pour une histoire à suspense...

Poussant encore plus loin l'idée de départ de l'auteur, la Fox décida de monter le projet en y injectant un zeste de film catastrophe. Après tout, c'était la Fox qui avait produit les deux meilleurs films du genre dans les années 70 avec L'Aventure du Poseidon et, justement, La Tour Infernale.


Le studio confia l'adaptation au scénariste Jeb Stuart, qui écrira cinq ans plus tard le script du Fugitif avec Harrison Ford. Pour la mise en scène, le choix de la Fox se porta sur l'allemand Carl Schenkel qui venait de réaliser le très remarqué Out of Order  où un groupe de quatre personnes se retrouvait bloqué dans un ascenseur. Une carte de visite idéale pour s'attaquer à la tour de Die Hard. Cependant, son approche du sujet déplut au studio et, après une période de flottement, Schenkel fut remercié. C'est ainsi que John McTiernan, tout frais émoulu du succès public et critique de Predator, se vit confier les rênes de cette production, cinq semaines seulement avant le début du tournage.

Le cinéaste demanda immédiatement une réécriture du scénario, lequel était totalement dépourvu d'humour.

 

die-hard-bts.jpgJohn McTiernan dirigeant Alan Rickman et Bruce Willis

 

John McTiernan: « J'ai aussi changé la nationalité des terroristes. Au départ, ils étaient tous allemands, mais j'ai pensé que les spectateurs pouvaient les assimiler à la Bande à Baader, ce qui aurait détourné le propos du film. Je ne voulais surtout pas que les actions des terroristes soient politisées. Nous avons donc intégré un polonais, un japonais, un français et un américain dans le groupe. »

 

La réécriture du scénario fut confiée à Steven de Souza, un spécialiste du film d'action qui avait fait merveille avec 48 Heures et Commando. Comme pour ces deux films, de Souza injecta dans le scénario une bonne dose d'humour, désamorçant ainsi une tension dramatique qui pourrait être trop pénible à la longue pour le spectateur. A la demande de McTiernan, de Souza ramena la durée de l'action de trois jours à une seule nuit, accélérant ainsi la succession des événements.

D'un avis unanime, Die Hard a marqué un tournant certain dans l'histoire du film d'action moderne. Son originalité repose sur plusieurs points.

 

Steven de Souza: « C'était la première fois que le héros était un homme plus ou moins ordinaire. A l'époque, les héros de purs films d'action étaient des sortes de surhommes que l'on envoyait quelque part pour accomplir une mission dangereuse. Il y avait, par exemple, James Bond − l'archétype du super héros moderne, Indiana Jones, ou encore Rambo. La plupart de ces films reposaient sur une structure scénaristique dérivée des travaux d'Hercule. Le héros accomplissait un voyage épique, pénétrait dans un pays étranger et tuait beaucoup de monde avant de rentrer chez lui. Die Hard a brisé ce moule bien établi. »

 

Desouza-TFTS

L'un des deux scénaristes de Die Hard: Steven de Souza

 

Certes, le cinéma avait déjà proposé des œuvres dans lesquelles le personnage principal se trouvait confronté à des situations exceptionnelles. Hitchcock, le premier, avait mis au point la fameuse formule: un homme ordinaire placé dans une situation extraordinaire, pour nous offrir Les 39 Marches ou La Mort aux Trousses. Mais jamais ce type de personnage n'avait été présenté dans un film d'action hypertrophié, comme ceux dont le public est si friand depuis les années 80.

 

En fait, l'esprit de Die Hard trouverait plutôt son inspiration dans Les Chiens de Paille de Sam Peckinpah dans lequel un timide professeur (Dustin Hoffman) doit faire preuve d'une violence inouïe pour défendre sa maison contre la bande d'excités qui ont violé sa femme.

 

Steven de Souza: « C'est le prototype même du film où le héros est un personnage ordinaire qui se révèle doué de capacités exemplaires, face au danger. L'intérêt de cette approche est que le public s'identifie immédiatement au héros. Celui-ci a une vie de famille, un travail, des enfants, des problèmes de couple, et donc, il est tout à fait accessible pour le spectateur. De plus, le fait qu'on le présente comme un homme ordinaire fait que l'on ignore vraiment s'il va s'en sortir, alors qu'avec James Bond ou Rambo, il n'y a jamais aucun doute. »

 

Le point de départ du premier Rambo s'inspirait d'ailleurs de ce schéma, avec un personnage banal se révélant être doué de capacités exceptionnelles. Mais John Rambo EST un héros (de guerre), alors que John McClane DEVIENT un héros. La grande force de Die Hard était de nous présenter un anti-héros typique, simple flic, macho, jaloux du succès de sa femme puis, de le transformer en Hercule au fil des épreuves qui lui sont imposées. D'ailleurs, l'apparition finale de John McClane, torse nu, dégoulinant d'eau, de sueur et de sang, renvoit tout à fait à cette approche « herculéenne » du héros.

 

Lorsque Die Hard sortit sur les écrans en 1988, il fut aussitôt salué pour son mélange inédit de scènes « catastrophes » et d'aventures policières. Le film battit Rambo III au box office. Cela semble prouver que le public a une préférence pour un héros vulnérable auquel on puisse s'identifier, au lieu d'un surhomme qui nous est totalement indifférent.

 

DIE_HARD2.jpg

 

DIE HARD3

Partager cet article
Repost0
Published by Winslow - dans Making of

Winslow, Auteur Du Blog

  • : Filmmaker
  • : Avec ce blog cinéma, je voudrais proposer quelque chose d'un peu différent et en évitant le plus possible les critiques de films. Il me semble plus intéressant de parler des tournages ou des doubleurs français, par exemple.
  • Contact

MON BLOG SCENARISTE BD